Non, il ne s’agit pas aujourd’hui de faire le bilan. Pas plus d’ailleurs que de demeurer derrière. Il convient néanmoins de maintenant saisir la pleine mesure des défis qui attendent les leaders RH à l’ère post-COVID. Même si nous tous y sommes encore dedans, le jour d’après viendra et tous devrons y être préparés.
Plusieurs se souviennent bien évidemment de la crise du verglas et du désagréable sentiment d’une mise sur pause forcée. Sauf qu’à la différence de la crise climatique du verglas qui était relativement locale, la crise sanitaire de la COVID est, quant à elle, mondiale. La conséquence directe parle fort : les personnes impactées par la crise du verglas ont été guidées et prises en charge (nonobstant les échappées) … alors que la population mondiale impactée par la crise sanitaire de la COVID a dû elle-même se mobiliser, s’auto organiser, s’innover.
Les questions sont sérieuses et exigent une grande expertise. Partageons donc cette tribune avec Mme Sylvie Boulanger qui, durant plus de trente ans, a occupé des fonctions de cadres supérieures RH dans le réseau de la santé et des services sociaux, ainsi que dans le milieu de l’éducation.
Jusqu’au début mars 2020, la réalité de la sphère RH était marquée de quatre grandes tendances qui avaient pour objectif commun de favoriser l’expérience employé (EX). Une photo:
Les organisations doivent, à l’aide de moyens contemporains et intelligents, exploiter les données RH afin de disposer d’outils d’aide à la décision.
La dotation se décloisonne, doit devenir internationale… Les expertises sont de plus en plus nichées et la main-d’œuvre est de plus en plus rare. Les ressources de l’interne ont soif de croissance et veulent sans cesse progresser. Il convient alors de considérer l’interne en tant que marché de talents pour une organisation qui permet et facilite la croissance personnelle et professionnelle. Rétention doit devenir synonyme d’évolution et d’inclusion.
La demande est de plus en plus forte pour le télétravail est les milléniaux poussent les organisations dans cette direction. Les horaires devront être flexibles bien plus que seulement variables. Les lieux de travail, tout comme les équipes, doivent se virtualiser. Dans un tel contexte, comment assurer que les employés soient bien formés et informés ? Défis. Puis, en parallèle, mais pas du tout en opposition, les employés veulent et doivent être davantage inclus dans les décisions. La gestion devra prendre une direction substantiellement plus participative, moins hiérarchisée. Plusieurs organisations semblent ployer sous leur propre poids alors que leurs employés visent plus de légèreté.
Les employés veulent se retrouver dans les valeurs et les orientations de l’organisation. Le capital humain doit être positionné au centre des préoccupations de l’écosystème organisationnel. Les structures doivent s’aplatir et ainsi plus facilement permettre à leurs bases de participer activement aux décisions.
Quatre grandes tendances, inévitables, d’une force inouïe. Une ultime raclée pour le taylorisme.
Et vlan. COVID. Immobilisation de la société… Mobilisation humaine. Comme si, au sens littéral du terme, le capital humain d’animait. De lui-même, il se meut : les structures se virtualisent, les organigrammes s’aplanissent, les équipes deviennent autonomes. L’État devient coordonnateur. Le secteur public en crise : manque de ressources ; le secteur privé en crise : perte de productivité. Soudainement, notre espace sociétal a été transformé en film catastrophe… Notre existence portée à l’écran, il était urgent de prendre le contrôle du scénario.
Espace d’humanisme : les êtres humains sont souvent à leur meilleur lorsque les choses sont au pire.
Et la COVID qui nous fait chavirer dans un mouvement de bascule. Notre référentiel se transforme.
Dans un billet très récent (2e vague: le rôle des RH est-il en train de muter?), Olivier Schmouker mentionnait à juste titre que
(…) le rôle des RH est plus crucial que jamais pour la santé de l’organisation, mais il est en même temps plus complexe que jamais. (…) Être un professionnel des RH, c’est aujourd’hui être une personne attentionnée, assidue et perspicace. C’est être en mesure de régler des problèmes à court comme à long termes, en faisant preuve d’un esprit stratégique.
Selon Sylvie Boulanger, La COVID aura été ce qui assurera aux quatre grandes tendances pré-COVID de s’actualiser. Outre la pénurie de la main-d’œuvre qui ne devrait pas être aussi criante pour une période de douze à dix-huit mois post-COVID, les autres caractéristiques des quatre grandes tendances sont d’ores et déjà en branle. Là pour rester.
Mais la COVID aura-t-elle été un déclencheur, un accélérateur d’évolution (catalyseur) ou pièce la manquante du puzzle, le remède qui soigne le mal-par-le-mal (κάθαρσις, katharsis : trouver dans la crise elle-même les solutions permettant de passer outre les enjeux nuisibles à l’expérience employé)?
Dans les faits, peu importe la réponse. Prenez l’exemple du télétravail. Nombreuses étaient les organisations qui y étaient réfractèrent ou qui hésitaient. La COVID est arrivée, les organisations ont dû l’implanter rapidement et s’y adapter… les employés en ont hérité et ont aussi réalisé que leurs collègues pouvaient leur manquer (mais cela est un autre débat).
La COVID n’aura pas changé les cultures des entreprises, mais elle en aura changé les modalités de gestion (horaire, lieux, logistiques, immersion dans le milieu de travail).